Peu de motards auraient imaginé, il y a encore quelques mois, que rouler quotidiennement en moto électrique puisse devenir l’une des expériences les plus intéressantes en deux-roues. Pourtant, c’est bien ce que nous avons vécu au guidon de la Zero SR en version A2. Une moto électrique intrigante, mais dont l’usage révèle encore certaines limites.
Le marché des motos électriques est encore loin de rivaliser avec celui des voitures électriques. Si ces dernières demeurent encore coûteuses à l’achat, le choix s’est considérablement élargi, permettant de répondre à une variété d’usages et de budgets. En revanche, du côté des deux-roues, et au-delà des scooters électriques urbains, les options sont rares. Cependant, quelques modèles méritent une attention particulière, et la Zero SR en fait indéniablement partie.
Présentation Zero SR A2
Zero Motorcycles a donc présenté cette année la Zero SR 2024, un roadster mid-size qui se décline en deux versions — une pour les détenteurs du permis A2 et une autre pour les titulaires du permis A.
En configuration A2, celle de notre essai donc, son moteur Z-Force 75-10 brushless, développé et produit en interne par Zero Motorcycles, affiche une puissance en crête de 52 kW (70 ch) et 140 Nm de couple. Toutefois, pour respecter la réglementation A2, la puissance nominale est limitée à 33 kW (47 ch). Ce compromis est obtenu grâce au processus d’homologation spécifique aux motos électriques, basé sur une puissance moyenne mesurée sur 30 minutes d’utilisation à pleine charge.
Ensuite, lorsque la passerelle du permis A2 vers le A est obtenue, il suffit de passer chez son concessionnaire pour obtenir toute la puissance de 64 kW (87 ch) et 166 Nm de couple.
Le moteur est directement intégré à la structure de la moto, ce qui optimise la répartition des masses et le poids global. Un poids qui grimpe tout de même à 223 kg, en grande partie à cause de l’imposante batterie de 15,6 kWh. Composé de 128 cellules, elle autorise une autonomie théorique de 253 km en ville et 180 km sur autoroute à 110 km/h. Le chargeur quant à lui accepte une puissance de 3,3 kW et un chargeur optionnel de 6 kW est disponible.
Nous reviendrons cependant un peu plus loin sur ces chiffres et la charge, en attendant, voyons de plus près ce que cette moto proposée à 18 550 € peut nous offrir.
Design et équipements de la Zero Motorcycles SR A2 2024
La Zero Motorcycles SR en version A2 repose sur une plateforme éprouvée, celle de la SR/F, un roadster électrique de référence dans la gamme du constructeur américain. Avec un design identique, marqué par des lignes modernes et sportives, elle affiche des dimensions compactes proches d’une moto thermique classique. La hauteur de selle de 787 mm la rend accessible à tous les gabarits et une selle haute optionnelle, culminant à 810 mm, est disponible.
La Zero SR se démarque par une partie-cycle soignée. La suspension est assurée par des composants Showa de qualité. À l’avant, on retrouve une fourche inversée de 43 mm réglable en précharge et compression/détente. Avec un débattement de 120 mm, elle promet un bon compromis entre confort et précision. À l’arrière, la Zero SR adopte un mono-amortisseur Showa équipé d’un réservoir externe à gaz. Il est réglable en précontrainte, compression et détente, tout en offrant un débattement plus généreux de 140 mm. Côté freinage, à l’avant, la SR est équipée de deux disques de 320 mm pincés par des étriers radiaux à quatre pistons. À l’arrière, un disque de 240 mm avec un étrier monopiston flottant complète l’ensemble. Le tout est badgé J.Juan et respire la qualité.
En plus de proposer des assemblages d’excellentes factures, le design de la Zero SR est aussi particulièrement bien étudié. On apprécie le cadre treillis apparent, le trait de crayon du bras oscillant et plus encore celui des platines repose-pieds. Bonne surprise aussi, le moteur et la batterie avec leur ailettes de refroidissement garantissent un look qui, étonnamment, ne dénature pas la ligne générale et confèrent à cette moto électrique un look de roadster presque traditionnel. En tout cas, au vu du nombre d’échanges et pouces levés avec des motards de passages, on peut affirmer que son look plaît.
Zero SR 2024, Technologies
Au cœur de la Zero SR, c’est le système d’exploitation Cypher III+ qui opère en chef d’orchestre sur les différentes technologies. La moto propose quatre modes prédéfinis : Eco, Rain, Sport et Standard, ainsi qu’un mode personnalisable nommé Canyon, permettant aux utilisateurs de définir eux-mêmes leurs préférences en matière de puissance, d’ABS, de contrôle de traction (TC) et de régénération.
Une application compagnon Next Gen permet aussi de pousser la personnalisation en paramétrant chaque mode de conduite, de gérer la régénération du freinage ou la puissance délivrée. C’est aussi grâce à elle qu’on pourra changer l’organisation des widgets affichés au tableau de bord.
Ce dernier repose sur un écran couleur TFT de 5 pouces et affiche également toutes les informations nécessaires telles que la vitesse, l’autonomie restante, les aides à la conduite et même la température du moteur. Bien qu’il ne soit pas tactile, un bouton de commande situé à gauche du guidon permet d’ajuster l’affichage selon les préférences du pilote. L’accès au menu est cependant réservé aux moments où la moto est immobilisée, avec la béquille déployée.
Un gros regret toutefois, il n’y a pas de navigation intégrée ni même la possibilité d’avoir une réplication écran de type Android Auto. Pour une moto à plus de 18 000 € c’est franchement dommage et d’autant plus ennuyeux qu’il n’y a pas de planificateur d’itinéraire. Outil indispensable selon nous à tout voyage en électrique.
En revanche, le régulateur de vitesse est inclus de série et se commande simplement via un interrupteur marche-arrêt. Enfin, un atout notable pour compenser le poids de la moto : une marche arrière est intégrée. Une fonctionnalité rare sur deux roues, mais pratique dans des situations comme les manœuvres sur des parkings en pente.
Enfin, si il y a une prise USB qui permet de brancher son smartphone (d’autant plus utile quand celui-ci sert de GPS), il y a surtout un profond coffre à la place du réservoir, lequel permet aisément d’y ranger par exemple le câble de recharge, des papiers et un pantalon de pluie.
Au guidon de la Zero SR A2
Et c’est sous la pluie justement que commence notre essai. Et autant vous dire qu’avec 140 Nm de couple distribué sur une surface pas plus large qu’une carte de crédit l’exercice peut paraître délicat. Pour que vous ayez en tête ce qu’un tel chiffre représente, sachez par exemple qu’on est au même niveau qu’une Kawasaki Ninja H2 : pas franchement le genre d’outil à mettre entre les mains d’un débutant. Mais c’est sans compter sur les modes personnalisés de la Zero SR et sa douceur de fonctionnement. Ainsi, en mode Rain donc, la poignée d’accélérateur offre une excellente granularité et surtout une accélération très progressive. Un véritable régal amplifié par une partie cycle très prévenante aussi.
Les suspensions sont souples, confortables, et c’est juste la raideur de la selle qui vient vous rappeler que vous êtes sur une moto au multiple visage. Les pneus Pirelli Diablo Rosso III sont de véritables ventouses et donnent véritablement confiance. Confiant d’ailleurs, nous passons en mode Standard. Là, la moto montre des accélérations plus franche et une réponse plus directe de l’accélérateur. Cela tombe bien la route est séchante et on peut commencer à hausser le rythme.
La Zero SR enroule avec un mélange de vigueur et de douceur assez surprenant On pourrait presque penser qu’elle concilie un paradoxe existentiel tant elle est capable de vous catapulter d’une sortie de virage à une entrée avec une force quasi divine, tout en étant particulièrement silencieuse. L’expression fendre l’air prend ici tout son sens, et si ce n’est une légère signature électrique assez futuriste mais discrète, nul autre bruit que le vent vient vous perturber. A condition toutefois de garder en tête que la moto pèse plus de 230 kg et qu’il faudra l’arrêter à un moment donner. Là vous pourrez compter sur la puissance du freinage régénératif et mécanique.
Toutefois, si la transition de l’un à l’autre est quasi transparente, méfiance tout de même en courbe ou un simple lâcher d’accélérateur redressera plus que de raison la moto à cause de la régénération, entrainant irrémédiablement un tout droit. Pour passer en mode roue libre il faut alors activer le mode Sport et accepter de se retrousser les manches, car à rythme soutenu la Zero SR demande une conduite engageante, voir virile.
Là, les accélérations sont tout bonnement fulgurantes et l’absence d’embrayage et de boîte de vitesses devient rapidement une banalité, bien que des réflexes pavloviens puissent occasionnellement faire chercher une pédale inexistante pour rétrograder. Mais cette réflexion devient vite inutile tant la seule chose qui compte est de rester concentrer sur ses trajectoires car on remarquera qu’un réglage des suspensions est nécessaire (en détente) sur chaussée dégradée et surtout que les lois de la physique finissent par se rappeler au bout de ses kilos excessifs.
Avant de retourner en ville, on enchaine par un bout d’autoroute et on colle la poignée en coin, où la Zero SR plafonnera à un bon 150 km/h Mais de toute façon au delà de 110 km/h, l’autonomie fond comme neige au soleil et surtout, en l’absence de protection, vous faite office de fanion malmené aux quatre vents, même aux allures légales.
En retournant dans un environnement civilisé on active le mode Eco qui calme d’entrée le jeu. La poignée de watt redonne une certaine marge de manœuvre dans sa rotation et surtout le freinage régénératif revient à son maximum, fonctionnant presque comme un mode « one pedal » où avec un peu d’anticipation il n’est même pas nécessaire de toucher les freins. Pour le quotidien, osons le dire, cette moto est presque géniale.
Autonomie et temps de charge Zero SR A2 2024
« Presque » ? oui, car au fil des kilomètres vous vous rendez-compte que si le curseur du plaisir est à son maximum, en revanche celui de la jauge d’énergie baisse drastiquement. Certes en environnement urbain, et sur du commuting par exemple (trajet domicile-travail) vous atteindrez facilement les 180 km d’autonomie. C’est pas mal. Le constructeur annonce plus de 230 km et nous conviendrons qu’il est possible de s’en approcher en restant cantonner à l’enfer concocté par les tyrans parisiens Hidalgo et Belliard. Sur route en revanche, et dés que l’on s’amuse un peu, il ne faut pas s’attendre à dépasser les 130 – 150 km.
Sur autoroute, en revanche, oubliez, vous ne ferez pas plus d’une centaine de kilomètre aux vitesses légales. Mais là n’est pas le problème en réalité. Après tout, si vous êtes du genre essoreur de poignée, de nombreuses thermiques ne font pas beaucoup plus en mixte. Mais là où ces dernières vont faire le plein en 2 minutes, la Zero SR, elle, demande 4h pour remplir sa batterie de 15,6 kWh à la puissance maximale de 3,3 kW. Dans le meilleur des cas nous avons réussi à descendre à 2h20 pour passer de 20 à 80% sur une borne public.
Pour ceux qui souhaitent augmenter leur rayon d’action, Zero propose une solution : le Power Tank Z-Force. Ce dispositif permet d’exploiter l’espace du faux réservoir pour y ajouter une batterie supplémentaire de 3,6 kWh, portant ainsi la capacité totale à près de 17,2 kWh net. Cependant, cet ajout a un prix : 3 549 €.
A l’inverse, si vous préférez pallier la lenteur de charge, Zero Motorcycles propose un chargeur rapide de 6 kW en option, facturé 3 005 €. Cet équipement, qui remplace lui aussi le faux réservoir, n’est pas compatible avec le Power Tank. Dans les deux cas le prix total de la Zero SR A2 passe respectivement 22 104 € et 21 560 €. Ça pique !