Alors que la 14e manche de la saison 2024 s’apprête à voir s’affronter les pilotes de GP Moto sur le circuit de Misano, un souvenir douloureux et marquant hante encore les lieux. Il y a 31 ans, lors du Grand Prix d’Italie en 1993, Wayne Rainey, déjà trois fois champion du monde vivait un tournant tragique dans sa carrière. On revient en partie sur son histoire.
Le 5 septembre 1993, sur le circuit de Misano, un tournant dramatique marquait la carrière d’un des plus grands pilotes de l’histoire des Grands Prix moto, Wayne Rainey. Déjà triple champion du monde en catégorie 500 cm³, Rainey voyait sa carrière stoppée net par un accident terrible, qui allait le laisser paraplégique. Pour comprendre l’importance de Wayne Rainey dans l’histoire du motocyclisme, il faut remonter à ses débuts et suivre son ascension, qui l’a vu devenir l’une des figures les plus marquantes du paddock entre 1984 et 1993.
Les débuts de Wayne Rainey : une ascension fulgurante
Né le 23 octobre 1960 à Downey, en Californie, Wayne Rainey a toujours baigné dans la compétition moto, influencé par son père qui participait à des courses locales. Dès son plus jeune âge, Rainey fit preuve d’un talent exceptionnel, notamment dans les courses de dirt track, une discipline très populaire aux États-Unis et qui a forgé nombre de champions. Cette première expérience des glissades contrôlées lui servira tout au long de sa carrière en Grand Prix.
Rainey débuta sa carrière professionnelle en Amérique dans la catégorie Superbike. C’est dans ce contexte qu’il fit ses premières armes sérieuses au sein de l’équipe Kawasaki. En 1983, Rainey remporta son premier championnat AMA Superbike. Cette victoire fut déterminante, car elle attira l’attention des équipes européennes, et plus particulièrement de Kenny Roberts, légende du motocyclisme, qui allait avoir une influence décisive sur la carrière du jeune Américain.
Les premiers pas en Grand Prix : la difficile saison 1984
Wayne Rainey fit ses débuts en championnat du monde en 1984, au sein de l’équipe 250 cm³ dirigée par Kenny Roberts. Cependant, cette première expérience fut loin d’être fructueuse. La Yamaha 250 à laquelle il fut confié est pointu et i faut un temps à l’américain pour se faire au moteur très pointu de cette moto par rapport aux gros 750 quatre temps Kawasaki qu’il a l’habitude de piloter. Toutefois, si il ne termine que huitième au classement final, il n’est pas venu pour rien et retourne aux États-Unis pour se recentrer sur le championnat AMA Superbike, où il deviendra champion en 1987.
La montée en puissance : 1987, l’AMA et le retour en force en 500 cm³
Ce succès lui ouvrit de nouveau les portes de l’Europe et des Grands Prix, mais cette fois-ci dans la catégorie reine : le championnat du monde 500 cm³.
En 1988, Kenny Roberts l’invita à rejoindre son équipe en 500 cm³ pour piloter la Yamaha YZR500, un moment décisif dans la carrière de Rainey. Les deux hommes entretenaient une relation mentor-élève exceptionnelle, et Roberts transmit à Rainey son sens du pilotage fin et précis. Dès sa première saison en 500 cm³, Rainey fit forte impression, terminant sur le podium à de nombreuses reprises, malgré la féroce concurrence de pilotes comme Eddie Lawson et Kevin Schwantz. Ce dernier allait devenir son grand rival au fil des saisons.
La quête du titre mondial : 1989-1990
C’est en 1989 que Rainey se révéla comme l’un des prétendants sérieux au titre mondial. Désormais bien intégré au sein de l’équipe Yamaha, il signa plusieurs victoires et termina la saison à la troisième place du championnat, juste derrière Schwantz et Eddie Lawson. Cependant, c’est l’année suivante que la consécration allait arriver.
En 1990, Rainey dominait la saison de bout en bout, remportant sept des quinze courses au calendrier, une performance exceptionnelle pour l’époque. Ce fut l’année où il décrocha son premier titre de champion du monde 500 cm³. Sa régularité, combinée à un style de pilotage fluide et précis, lui permit de prendre l’ascendant sur ses rivaux, notamment Kevin Schwantz, avec qui les batailles en piste furent épiques.
Le règne de Rainey : 1991-1992, la domination absolue
Fort de son premier titre, Wayne Rainey entra dans les saisons 1991 et 1992 avec une confiance inébranlable. Son pilotage semblait atteindre la perfection, alliant une grande capacité à gérer ses courses avec un calme olympien, tout en étant capable de pousser la machine à ses limites quand cela était nécessaire. En 1991, il réalisa de nouveau une saison magistrale, avec six victoires au compteur, et s’adjugea un deuxième titre consécutif décroché sur le circuit Bugatti au Mans alors qu’il restait une course à courir, ne manquant le podium qu’une seule fois lors des 14 courses de la saison.
La saison 1992 fut marquée par une rivalité encore plus intense avec Schwantz, mais une fois encore, Rainey l’emporta, avec un total de cinq victoires. Il devenait alors triple champion du monde, consolidant son statut de légende vivante et égalant la série de son compatriote et coéquipier de légende Kenny Roberts. À ce moment-là, Wayne Rainey était au sommet de son art, et peu de pilotes semblaient capables de le déloger de la première marche du podium.
1993 : La saison de tous les dangers
La saison 1993 s’annonçait tout aussi prometteuse pour Rainey. Bien qu’il fût de nouveau en duel serré avec Kevin Schwantz, Rainey abordait chaque course avec l’obsession du perfectionniste, toujours à la recherche de la moindre amélioration sachant qu’il lui fallait pousser toujours plus sur le fil sa Yamaha YZR500 qui devenait moins performant que la Suzuki. Il remportait trois courses et continuait à accumuler des podiums réguliers, ce qui lui permettait de prendre l’avantage au championnat du monde à l’approche de la fin de saison.
C’est dans ce contexte qu’eut lieu la course fatidique de Misano. Alors que Rainey menait la course lorsque, au dixième tour, tout bascula. A la sortie du premier virage à droite, la moto parti en glisse mais pilote et moto rebondirent ensemble dans le bac à gravier au lieu d’aller chacun de leur côté. On ne saura pas si c’est la chute ou la Yamaha qui causa la fracture de la 6e vertèbre mais le bas du corps est paralysé, la carrière de pilote s’arrête là laissant le paddock et ses fans sous le choc.
Après l’accident : un modèle de résilience
Malgré ce choc terrible, Wayne Rainey n’abandonna jamais sa passion pour la course. Devenu hémiplégique à l’âge de 32 ans, il trouva la force de se reconstruire, non pas sur une moto, mais dans les paddocks. Son amour pour la compétition et sa volonté de transmettre son savoir l’ont poussé à devenir manager pour l’équipe Yamaha, avant de s’impliquer activement dans l’organisation du MotoAmerica, un championnat américain de courses de vitesse.
En 2019, un moment émouvant fit vibrer le monde du deux-roues. Rainey, grâce à une moto spécialement adaptée, fit un retour symbolique en piste lors du Goodwood Festival of Speed. À 58 ans, il remonta sur une Yamaha YZR500 de 1992, la même moto avec laquelle il avait conquis ses titres mondiaux.